En cas de cancer, suis-je tenu de prévenir mon employeur de ma situation médicale ? Quelles mesures me sont proposées ? Puis-je être licencié(e) pour cause de maladie ? Comment puis-je faire pour conserver mon poste ? Mon statut ? Je voudrais emprunter pour acheter un appartement ou pour développer mon entreprise quels sont mes droits pendant et après mon cancer ?

 

Objectif

  • Brosser le portrait des difficultés rencontrées par les patients en lien avec le travail, qu’ils soient salariés ou non.

  • Aider les patients et leurs proches dans leurs démarches sociales pendant et après un cancer.

  • Les encourager à se tourner vers les associations et les centres de ressources spécialisées pour connaître leurs droits et s’orienter parmi les dispositifs sociaux, financiers et juridiques.

Propos

Les problèmes sociaux et économiques représentent une partie importante des difficultés rencontrées par les patients touchés par le cancer. Le dispositif d’observation pour l’action sociale (DOPAS) mené par la Ligue contre le cancer entre 2010 et 2012 a montré que 60 % des patients témoignent d’une baisse de revenus. Les patients se confrontent aussi à des difficultés administratives.

 

Elément d’exposition

Huit témoignages racontent ce qui se passe quand on apprend que l’on a un cancer et que l’on est en activité professionnelle. Huit tranches de vie à écouter :

  • l’amiante, cause de maladie professionnelle par Othman M. ;

  • travail de nuit et cancer par Solveig V. ;

  • état des lieux, cancer et travail par Laurent T. ;

  • tabou, le cancer ? par Giulia M. ;

  • dur, le cancer, quand est jeune entrepreneur ! par Ali K. ;

  • une charte pour davantage d’égalité par Jonathan B. ;

  • concilier son travail et celui d’aidant, un casse-tête par Antonia V. ;

  • le droit à l’oubli par Sophie X.

 

Contenu détaillé

 

1. Travail et cancer

Plus de 1000 personnes par jour apprennent qu’elles ont un cancer. La moitié d’entre elles travaille. La question du maintien et du retour à l’emploi des personnes malades a des conséquences majeures sur leur vie.

 

Conséquence du cancer sur la vie professionnelle et économique

La maladie, très souvent synonyme de pertes de revenus bouleverse avec violence la vie des patients et celle de leur famille pendant et après la maladie (selon le rapport 2018/19 de l’Observatoire sociétal des cancers, un salarié sur trois perd ou quitte son emploi dans les deux ans qui suivent le diagnostic de sa maladie et plus d’une personne sur cinq reste hors de l’emploi des années après la guérison).

Pendant la maladie, certains actifs sont particulièrement exposés, comme les salariés à temps partiel, les titulaires de contrats précaires pénalisés par les conditions d’attribution des indemnités journalières et des pensions d’invalidité – et les travailleurs indépendants (artisans, commerçants, professionnels libéraux). Ces personnes subissent des pertes de revenus plus importantes que les autres catégories socio-professionnelles et sont souvent contraintes de continuer à travailler pendant leur traitement. Nombre de travailleurs indépendants assistent à la disparition de leur activité, faute de temps ou de ressources économiques suffisantes pour faire vivre leur entreprise. Comme l’indique le rapport 2018/2019 de l’Observatoire sociétal des cancers, « pour les personnes en activité au moment du diagnostic, les indemnités journalières versées par l’Assurance Maladie sont bien inférieures aux salaires qu’ils ont l’habitude de recevoir. Les travailleurs indépendants sont particulièrement susceptibles de subir une importante baisse de revenus, liée à la diminution de leur activité. De la même façon, les salariés des petites entreprises risquent davantage de se retrouver au chômage après un diagnostic de cancer, que les personnes qui travaillent dans de grandes firmes. Ils sont également plus concernés par le risque de souffrir d’importantes baisses de revenus ». Ajoutons qu’outre les pertes de revenus liées à un arrêt de l’activité professionnelle, certaines charges non remboursées par l’Assurance Maladie (franchises et les forfaits hospitaliers non couverts par l’ALD) constituent un coût supplémentaire à assumer pour les personnes déjà fragiles économiquement qui ne disposent pas de mutuelle.

Notons enfin que l’ensemble de ces difficultés financières pèsent également sur le parcours de soin des malades : l’enquête « Face au cancer, l’épreuve du parcours de soins » montre que les personnes dont les revenus sont les plus faibles ont davantage renoncé à consulter certains professionnels de soins de support pour des raisons financières, comme l’accompagnement diététique et le recours à des praticiens des médecines complémentaires.

 

Après les traitements, le retour à la vie professionnelle est parfois complexe. Et pour cause, le cancer et plus largement la maladie chronique, interrogent les fondements de la relation de nos sociétés au travail, articulés autour des notions de productivité. En cela, elle questionne les marges d’adaptations des organisations mais aussi le sens et le rôle du travail dans la vie des individus. Résister à la facilité d’écarter de l’organisation les salariés temporairement abîmés physiquement et mentalement par la maladie ne va pas de soi.

Tous les trois ans, Cancer@Work publie un « baromètre » sur la prise en compte des situations de cancer en entreprise. Ce baromètre analyse les attentes de la population active ainsi que l’impact de la maladie sur la vie professionnelle des personnes concernées et de leur entourage. Selon le baromètre, « deux tiers des actifs ayant eu un cancer estiment ne pas avoir les mêmes opportunités de carrière que les autres actifs. Un ancien malade du cancer sur quatre estime ne pas avoir retrouvé sa place au sein de l’entreprise ». Malheureusement, la stigmatisation des personnes qui reviennent au travail après avoir suivi un traitement contre le cancer est monnaie courante. La maladie devenant de plus en plus « chronique » (et synonyme d’allers-retours entre périodes de traitement et activité professionnelle), il est essentiel de penser/panser la place des personnes au sein de l’entreprise et de maintenir le lien qui les unit à leurs collègues et à leur hiérarchie.

 

Une maladie taboue au travail

Cette maladie, qui peut prendre des dizaines de formes différentes, est encore très taboue dans la société et au travail. « Selon le baromètre de Cancer@Work en contrepoint d’une forte augmentation du nombre de nouveaux cas de cancer en France, la question du tabou progresse lentement et encore un actif sur deux considère qu’il est difficile de révéler sa maladie à son entourage professionnel. Même si huit actifs atteints d’un cancer sur dix annoncent leur maladie à leurs collègues, sept sur dix à leur hiérarchie.

Le manque de dialogue conduit à des difficultés, pour les personnes et les entreprises, relationnelles, organisationnelles et économiques.

En 2018, avec le soutien de la Ligue contre le cancer, l’Institut national du cancer a actualisé un guide pour faire notamment le point sur les interlocuteurs administratifs, les droits de la personne malade pendant l’hospitalisation et la prise en charge financière de la maladie. Y est également abordé le volet professionnel – revenus pendant un arrêt de travail et retour à l’emploi – ainsi que les congés d’accompagnement proposés aux proches.

 

 

2. Les informations relatives aux prêts bancaires et aux assurances dans le cadre du « droit à l’oubli ».

Les personnes guéries ayant été atteintes d’un cancer sont confrontées à des freins lorsqu’elles souhaitent emprunter de l’argent. Généralement, les assurances refusent leur demande, leur font payer un coût supplémentaire ou leur imposent une exclusion de garantie. « Le droit à l’oubli » est une mesure autorisant, dans des cas de figure précis, les personnes à ne pas mentionner leur cancer dans leur dossier afin de pouvoir emprunter dans des conditions normales. Dorénavant, le droit à l'oubli est fixé à 5 ans pour tous les cancers et l'hépatite C. Il n'y a plus de distinction selon l'âge auquel le cancer a été diagnostiqué.

La Ligue nationale contre le cancer assure une permanence téléphonique quotidienne sur ce sujet : deux techniciens accompagnent les personnes malades ou les aidants sur la question des prêts bancaires personnels et professionnels. La Ligue continue son combat pour aider les malades dans leurs démarches administratives et militent auprès des pouvoirs publics pour que leur exclusion recule. Le pari n’est pas encore gagné.

 

3. Prévenir l'épuisement de l'aidant

Toutes pathologies confondues, les « aidants » constituent aux alentours de 7 % de la population française. Leurs caractéristiques (âge, habitat, etc.) et leur profil socio-économique sont étonnamment proches de la population générale. Le plus souvent, ils aident un membre de leur famille, assez âgé d’ailleurs. Les aidants sont très impliqués dans leur rôle : 90 % d’entre eux consacrent à leur proche malade du temps tous les jours ou au moins plusieurs fois par semaine.

Le temps et l’intensité que requiert l’accompagnement d’une personne malade au quotidien expliquent l’épuisement physique et psychologique de l’aidant. Dans le cas du cancer, quand la personne malade vit à domicile, l’aidant dispose de très peu de solutions de répit.

Certaines mutuelles prennent en charge des aides à domicile. Mais les contrats de ces organismes stipulent bien souvent que le patient doit avoir passé un certain nombre de nuits à l’hôpital par mois pour en bénéficier, ce qui constitue un véritable non-sens pour nombres de patients dont la prise en charge hospitalière a lieu de jour (chirurgie, chimiothérapie…) et dont les autres soins se font à domicile.

Les conséquences du désengagement de la solidarité publique sur la question des aides à domicile a des conséquences fortes sur la vie du patient et de ses aidants. Ces derniers voient souvent leur vie professionnelle et personnelle directement impactées. Pour les étudiants aidants, il devient parfois très difficile de mener à bien leur cursus académique.

 

Concilier vie d’aidant et vie professionnelle

L’accompagnement d’une personne gravement malade est souvent difficile à concilier avec une vie professionnelle. Des congés d’accompagnement comme le congé de proche aidant ou le congé de solidarité familial donnent la possibilité aux personnes salariées de suspendre ou de réduire leur activité professionnelle pour accompagner un proche gravement malade. Mais ces congés ne garantissent pas à l’aidant d’être rémunéré. Pour percevoir un soutien financier dans ces périodes qui peuvent être synonymes de précarisation, les aidants ont la possibilité de faire une demande d’allocation auprès de leur Caisse d’allocations familiales.

Ces congés d’accompagnement ne peuvent dépasser une durée maximale de 3 mois (hors convention ou accord de branche ou d’entreprise), renouvelable dans la limite d’un an sur l’ensemble de la carrière professionnelle en ce qui concerne le congé aidant, et renouvelable une fois (soit six mois maximum) en ce qui concerne le congé de solidarité familial.

Parmi les congés d’accompagnement, le congé de présence parentale permet aux parents d’enfants gravement malades de moins de 20 ans d’accéder à un crédit de 310 jours de congés (soit 14 mois sur une période de 3 ans), renouvelable au bout de trois ans, en cas de rechute ou de récidive. Ce congé n’est pas rémunéré. L’aidant peut faire une demande d’allocation journalière de présence parentale.

 

Don de congés entre collègues

Le code du Travail prévoit la possibilité à tout salarié d’offrir des jours de congés à l’un de ses collègues s’occupant d’une personne subissant « une perte d'autonomie d'une particulière gravité » ou présentant un handicap. Le don peut porter sur tous les jours de repos non pris excédant 24 jours ouvrables de congés payés. Il permet aux aidants de s’absenter sans que leur salaire ne soit impacté.