La grotte Chauvet est l’une des rares cavités d’Europe à abriter de nombreuses empreintes de mammifères non humains. Toutefois, rien ne ressemble plus à une empreinte de mammifère que celle d’un autre mammifère ! Chaque patte de félidé, hyénidé et canidé possède effectivement une pelote palmaire et quatre pelotes digitales. La taille dépend évidemment de l’espèce mais également de l’âge de l’individu et de sa stature (il existe une variabilité de taille au sein d’une même espèce).

Globalement, les félidés ont des traces plus rondes. Les hyénidés ont des pelotes digitales allongées avec des griffes marquées et les empreintes de canidés sont étirées en longueur avec des griffes très visibles sur les deux doigts du milieu. Attribuer une empreinte paraît simple… mais c’est sans compter sur le manque de lisibilité des empreintes, l’aspect lacunaire des données sur les traces des espèces anciennes et enfin sur la ressemblance entre les traces d’espèces proches.

C’est sur les images obtenues par photogrammétrie qu’on pourra le plus exactement relever le contour des empreintes et effectuer les mesures des pelotes. Sans corpus de référence ancien, ce sont les traces des espèces contemporaines qui aident fournir les références à comparer avec les traces fossiles.

 

On relève, dans les espaces naturels lorsque c’est possible ou dans les parcs zoologiques, plusieurs empreintes appartenant à des hyènes, des félins, des cuons (Cuon alpinus, « Chien sauvage d’Asie ») et loups d’aujourd’hui. De la même façon, les mesures caractéristiques sont extraites. Chaque empreinte donne lieu à 14 mesures comprenant l’écartement des griffes, les longueurs et largeurs des 5 pelotes, ainsi que leur espacement les unes par rapport aux autres. Malheureusement, aucune mesure unique ni même aucun couple de mesures ne permet de distinguer les canidés des autres groupes (hyénidés, félidés). On ne pourra alors que discerner les grands individus des petits !

C’est là que l’analyse en composantes principales est déterminante. Il s’agit d’un traitement mathématique qui trouve quelles sont les combinaisons de mesures les plus aptes à discriminer les espèces : la formule mathématique qui associe certaines mesures et dont le résultat montre des divergences accrues en fonction des espèces. Cette méthode statistique permet de trouver la combinaison des mesures la plus efficace pour distinguer les empreintes. Si on génère deux combinaisons différentes, on peut répertorier les résultats sur un graphique à deux axes dans lequel les empreintes d’hyènes, félins et canidés formeront des groupes très distincts. Ainsi, chaque nouvelle empreinte de la grotte pourra figurer comme un point bien distinct dans ce graphique et sera attribué à l’une des trois espèces… sans ambiguïté !

La grotte Chauvet semble avoir été fréquentée par deux espèces de canidés : les cuons, qui sont restés proches de l’entrée, et les loups (Canis lupus) qui ont pénétré jusqu’à la galerie des Croisillons. Comment en faire la preuve ? Les restes osseux semblent aller dans le sens de cette hypothèse. Mais comment faire la distinction, par exemple, dans la salle du Cierge entre des empreintes qui auraient appartenu à un cuon ou à un loup ? La méthode statistique permet d’y voir plus clair, et d’avoir des données sur la répartition des espèces dans la grotte.