Les spéléothèmes (stalagmites et stalactites) sont faites de calcite, de formule chimique CaCO3. Leur formation est en lien avec l’eau de pluie qui s’infiltre dans la roche calcaire depuis l’extérieur (le plateau au-dessus de la falaise) vers l’intérieur de la grotte. Cette eau circule dans les fissures de la roche et finit par arriver dans la cavité. Elle goutte depuis le plafond et tombe de façon répétée, toujours depuis le même endroit et vers le même point situé à l’aplomb. Elle contient de nombreux éléments minéraux provenant de l’extérieur mais aussi du calcaire qu’elle a dissous sur son passage. Ces éléments (ions calcium Ca2+ et hydrogénocarbonate HCO3-) se déposent en petite quantité à chaque écoulement et précipitent sous forme de calcite. C’est la formation de cette calcite qui « fabrique » les spéléothèmes. Les stalactites croissent depuis le plafond vers le bas et les stalagmites grandissement depuis le sol vers le haut. Il s’agit d’un processus très lent. Lorsque les conditions sont réunies, la stalagmite et la stalactite se rejoignent et forment alors un pilier stalagmitique, appelé aussi colonne.

En moyenne, dans la grotte de Chauvet, une stalagmite pousse entre 0,1 et 2 mm par an. Jusqu’à une tonne d’eau peut s’écouler d’une stalactite en une année. En observant une stalagmite coupée en deux dans le sens longitudinal, on observe des stries de croissance. Ces couches de croissance, comme les cernes des arbres, marquent le passage du temps et sont les témoins d’époques très anciennes. Certaines stries arborent des couleurs noires : elles renferment des charbons de bois, qui peuvent être des résidus d’éruption volcanique ou de foyers. En étudiant les isotopes des atomes enfermés dans la calcite des spéléothèmes, il est possible d’obtenir des informations relatives ① à des datations et ② au paléoclimat de la région où elles ont poussé.

 

① Datations

 

La technique de datation sur les stalagmites permet de remonter jusqu’à 500 000 ans ! Elle repose principalement sur le dosage des isotopes de l’uranium et du thorium. L’uranium-238 (238U) se désintègre en uranium-234 (234U) puis en thorium-230 (230Th) selon des périodes bien déterminées. La quantité de 230Th, isotope quasiment absent au moment de la formation de chaque couche de calcite, va croître au cours du temps, à mesure que la quantité de 238U diminue. En mesurant les quantités de l’un et de l’autre dans un échantillon, on peut déduire la date de formation de cette calcite.

Cette technique peut être appliquée à une stalagmite cassée. Ce fait est forcément le résultat d’un événement qui peut être daté : elle a pu être utilisée comme outil ou seulement déplacée par un être vivant (homme, ours ou loup). Elle a également pu se casser au cours d’un phénomène géologique, par exemple, l’effondrement de l’entrée de la grotte. En datant la couche (la strie) qui correspond à la zone de la cassure, on est capable d’obtenir une date pour cet événement. De même, lorsque la stalagmite repose sur un support, on peut estimer qu’il est au moins aussi vieux que la première couche de croissance déposée sur la stalagmite.

 

 

② Paléoclimat

 

Les couches de croissance que l’on peut distinguer sur certaines stalagmites nous communiquent aussi des informations sur les cycles climatiques au moment de la formation de la stalagmite. Par exemple, un arrêt de croissance d’une stalagmite est un indicateur d’un climat très froid et sec (l’eau ne traverse plus le sol et le couvert végétal au-dessus de la grotte). Les isotopes de l’oxygène, présents dans les dépôts de calcite CaCO3, vont être de précieux indicateurs.

δ18O correspond au rapport entre la quantité d’oxygène-18 (18O) et d’oxygène-16 (16O). Plus précisément,

 

 

Il est fonction du climat : globalement, δ18O diminue quand la température augmente. Cette tendance globale intègre les fractionnements isotopiques qui ont lieu quand l’eau s’évapore depuis l’océan, quand elle est transportée, quand elle condense sous forme de pluie et quand elle cristallise sous forme de calcite CaCO3.

Il arrive très exceptionnellement que de l’eau soit piégée dans des stalagmites. On peut alors effectuer, sur cette eau « fossile », les mêmes mesures que sur les carottes de glace prélevées au Groenland. Tous ces résultats donnent des indices sur les variations climatiques qui sont cohérents avec ce qui est connu au Groenland, mais qui montrent aussi des variations continentales locales. Ces enregistrements climatiques régionaux sont extrêmement précieux.