Les orbites de transfert de Hohmann⚓
Présentation du problème⚓
Quelle trajectoire une sonde lancée depuis la Terre doit-elle suivre pour atteindre l’orbite géostationnaire ? la Lune ? la planète Mars ?
Intuitivement, on pourrait penser que la ligne droite est le moyen le plus efficace pour atteindre un corps céleste. Il suffirait de viser celui-ci avec une fusée suffisamment puissante pour s’extraire de l’attraction terrestre puis contrebalancer continûment l’attraction variable du Soleil (variable car sa distance à la fusée changerait en permanence) de telle sorte que la trajectoire de la fusée demeure rectiligne. Enfin, il faudrait réduire considérablement sa vitesse à l’approche du corps céleste visé, pour une mise en orbite voire un atterrissage direct. Le cœur du problème mis en évidence par une telle stratégie est qu’elle peut-être si gourmande en carburant qu’elle en devient irréalisable ou beaucoup trop coûteuse avec les technologies actuelles de propulsion. Il est bien plus préférable de mettre à profit les lois de la mécanique céleste.
Walter Hohmann (1880 – 1945) était un ingénieur allemand, pionnier de l’astronautique. Dans son ouvrage Die Erreichbarkeit der Himmelskörpe (L’atteignabilité des corps célestes, 1925), Hohmann développa une étude sur les trajectoires possibles d’un satellite que l’on cherche à déplacer d’une orbite à une autre. Il en trouva une particulièrement économe en carburant, à laquelle on donna plus tard le nom d’orbite de transfert de Hohmann, en hommage à son inventeur. Il s’agit une trajectoire elliptique qui permet de passer d’une orbite circulaire à une autre orbite circulaire située dans le même plan, en utilisant seulement deux impulsions. Cette trajectoire est celle consommant le moins d’énergie possible.
Orbite de transfert géostationnaire⚓
On considère un satellite artificiel placé en orbite basse autour de la Terre, à une altitude hb proche de 200 km. Il s’agit d’une orbite d’attente. On suppose que la trajectoire est circulaire et située dans le plan équatorial terrestre. On souhaite transférer ce satellite sur une orbite géostationnaire, de telle manière qu’il reste en permanence au-dessus du même point de l’équateur et que donc sa période orbitale soit égale à la période de rotation de notre planète.
Dans cette situation, l’orbite de transfert de Hohmann est la trajectoire permettant de passer de l’orbite basse à l’orbite géostationnaire en utilisant uniquement deux impulsions consommant le moins de carburant possible. Il s’agit d’une ellipse tangente aux trajectoires initiale et finale.
La première impulsion, tangentielle à la trajectoire, est appliquée au point A. Elle se traduit par un changement de vitesse Δv1. De circulaire, l’orbite devient elliptique, de périgée A et d’apogée B. Ce point B se trouve sur l’orbite circulaire finale que l’on cherche à obtenir. Aussi, en B, une seconde impulsion tangentielle à la trajectoire est fournie et se traduit par un changement de vitesse Δv2, pour circulariser l’orbite à une altitude hg.
Peut-on calculer les caractéristiques de l’ellipse de transfert géostationnaire, le temps du trajet pour atteindre l’orbite géostationnaire ainsi que Δv1 et Δv2 ?
Caractéristiques de l’ellipse de transfert géostationnaire
Orbite de transfert interplanétaire⚓
Changeons d’échelle et partons à la conquête de la planète Mars à l’aide d’une sonde spatiale ! Nous n’allons refaire toutes les étapes du calcul, mais simplement les adapter aux nouvelles données :
La source des forces gravitationnelles réside maintenant dans le Soleil, de masse MS et de rayon Rs ≈ 700 000 km. Notre étoile joue désormais le rôle que la Terre jouait dans le paragraphe précédent ;
Comme orbite « d’attente », nous choisissons l’orbite terrestre, supposée circulaire pour simplifier le problème. On lui donne un rayon de 149,6 millions de kilomètres. La distance hb vaut maintenant 149,6 – 0,7 = 148,9 millions de kilomètres. Nous lui donnons désormais le nom de hT ;
L’orbite visée est celle de Mars, que là aussi, nous supposons circulaire et centrée sur le Soleil (tant s’en faut pourtant puisque son excentricité se monte presque à 0,1) et de rayon 227,9 millions de kilomètres. La distance hg vaut maintenant 227,9 – 0,7 = 227,2 millions de kilomètres. Nous lui donnons désormais le nom de hM ;
Le produit GMS a s’élève à 1,327.1020 m3 s−2 (nous vous faisons grâce des nombreuses décimales qui suivent). L’incertitude relative sur la valeur est inférieure à 10-15 ;
La période T est la période de révolution TM de Mars autour du Soleil, soit 686,980 jours de 24 h.
Il faut toutefois garder à l’esprit que lorsque l’on traite de l’orbite de transfert de Hohmann vers Mars, on ne considère qu’une seule source de gravité (le Soleil) et l’on néglige les deux autres sources que sont la Terre et Mars. Aussi, le transfert de Hohmann ne décrit que la trajectoire de la sonde hors des sphères d’influence de la Terre et de Mars… ce qui correspond tout de même à une très grande partie de la trajectoire finale, sachant que la sphère d’influence de notre planète ne s’élève qu’à moins de 1 000 000 de kilomètres et celle de Mars, à un peu plus de 500 000 km. Voir ici pour en savoir plus :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Sph%C3%A8re_d%27influence_(astrodynamique)
L’avantage du calcul est de mettre en évidence les fenêtres de lancement.
Voici les caractéristiques de l’ellipse de transfert :
a = 188,75 millions de kilomètres
e = 0,207
b = 184,65 millions de kilomètres
Lancer, oui... mais quand ?⚓
Représentons graphiquement la situation que nous venons d’étudier. Le Soleil S est au centre. La Terre T (resp. Mars M) et sa trajectoire supposée circulaire autour du Soleil sont en bleu (resp. orange). L’orbite de transfert de Hohmann est en vert.
T1 représente la Terre au moment du lancement de la sonde spatiale.
M2 représente Mars au moment de l’arrivée de la sonde spatiale.
Enfin, en vert, apparaît la trajectoire (légèrement) elliptique de transfert de Hohmann entre la Terre et Mars.
Il serait intéressant de connaître la position M1 de Mars à l’instant du lancement. Autrement dit, quelle doit être la configuration Terre – Mars à l’instant du lancement, pour que notre sonde et la planète Rouge arrivent conjointement en M2 ?
Le référentiel dans lequel nous nous plaçons est le référentiel héliocentrique. L’origine du repère se trouve au centre du Soleil et ses trois axes (X, Y et Z) pointent vers des étoiles suffisamment lointaines pour être considérées comme fixes. Les trajectoires de la Terre, de Mars et de la sonde étant supposées appartenir au même plan, on identifie ce plan au plan formé par les axes X et Y. Enfin, par raison de commodité, on place le repère de telle façon que T1 appartienne à l’axe X.
L’angle qui va nous servir à repérer la position des planètes le long de leur orbite est λ, défini comme l’angle entre l’axe X et la direction de la planète, vu depuis le centre du Soleil. Par définition, on a λT1 = 0°. On a aussi λM2 = 180°.
Où était la planète Mars au moment du lancement ? En supposant les mouvements décrits à vitesse uniforme, on obtient :
où Ttrans est la durée du transfert (258,90 j) et TM la période dé révolution de Mars autour du Soleil (686,98 j). Le calcul donne λM1 ≈ 44°,33.
De même, où sera la Terre lors de l’arrivée de la sonde sur Mars ?
où TM est la période dé révolution de la Terre autour du Soleil (365,26 j).
Le calcul donne λT2 ≈ 255°,17.
Nous pouvons alors placer les deux planètes sur le graphique, à l’instant du lancement de la sonde et à l’instant de son arrivée sur Mars.
Il pourrait être aussi intéressant de connaître, pour nous observateurs terrestres, l’écart angulaire entre le Soleil et la planète Mars à ces deux instants, observé depuis la Terre.
Écart angulaire entre le Soleil et la planète Mars au lancement de la sonde : 94°,82
Écart angulaire entre le Soleil et la planète Mars à l'arrivée de la sonde sur Mars : 67°,50