Des connaissances biologiques au service d’une meilleure éducation à la sexualité, par Odile Fillod⚓
Intervenante : Odile Fillod, chercheuse indépendante en études sociales des sciences biomédicales, spécialiste des questions de sexe / genre
L’objectif de cet atelier était de montrer que les aspects biologiques du sexe et de la sexualité, présumés à tort bien couverts par le programme de SVT, sont les grands oubliés de l’éducation à la sexualité. Pourtant, en veillant à transmettre certaines connaissances issues des sciences du vivant et à déconstruire certains mythes savants, on peut non seulement améliorer la santé sexuelle mais aussi lutter contre les inégalités d’accès au plaisir sexuel, le harcèlement et les violences sexuelles masculines, les discriminations sexistes et homophobes et plus largement l’injonction à l’adoption de rôles de sexes normatifs, dans la sexualité et au-delà. Au cours de cet atelier, ces connaissances ont été mises en lumière et les mythes savants les plus problématiques et répandus ont été déconstruits.
Quelques questions, sujets et mythes soulevés lors de cet atelier :
Le rapport hétéro à visée procréatrice, seule sexualité normale sur le plan biologique ?
Les hommes par nature à l’initiative / actifs vs. les femmes réceptives / passives ?
Des besoins sexuels spécifiques aux hommes ?
Des pulsions sexuelles masculines parfois irrépressibles à cause de la testostérone ?
L’orgasme féminin : une cérébralité, une diversité et des difficultés spécifiques ?
Les seins ou mamelons féminins, des organes érectiles / sexuels ?
Hymen et virginité
Odile Fillod s’est attachée à contrer certaines croyances infondées en apportant les connaissances biologiques liées.
Voici quelques ressources produites par Odile Fillod :
O. Fillod, « Mieux enseigner les aspects biologiques de la sexualité pour faire progresser l’égalité« , in Algrain, Klasen et Lootvoet (dir.), Éducation, égalité, scolarité, éd. Université des femmes, 2019, p. 135-157
O. Fillod, 2017, série de 8 vidéos (+ appareils pédagogiques) pour les SVT, plateforme matilda.education
O. Fillod, « Orientation sexuelle : état des recherches de facteurs biologiques chez l’humain », conférence organisée par le Bioscope de l’Université de Genève, 2019, vidéo
Autres ressources conseillées par Odile Fillod :
Site allodoxia : https://allodoxia.odilefillod.fr/
Site Clit’info : https://odilefillod.wixsite.com/clitoris
Matilda éducation : https://matilda.education
Des clitoris au musée ! Des prémices à l’action, itinéraire d’une médiation taboue, par Élodie Touzé et Stéphanie Kappler⚓
Élodie Touzé et Stéphanie Kappler sont médiatrices à Universcience
Parler du clitoris au Palais de la découverte… Comment en sont-elles arrivées là ? Soutenues par l’histoire des sciences et des sociétés contemporaines, Élodie et Stéphanie se sont parachutées dans l’aventure : parler d’un sujet tabou au public adolescent et adulte. Elles ont proposé un aperçu de l’exposé qu’elles ont conçu, des supports pédagogiques qu’elles ont glanés aux quatre coins du monde et des experts qu’elles ont pu rencontrer. Un temps d’échange a permis aux participant⋅e⋅s de partager leurs expériences.
C’est dans le cadre de l’exposition « Bête de sexe » en 2012 puis « De l’amour » en 2020 qu’Élodie et Stéphanie se sont lancés dans la conception de médiations scientifiques sur des sujets tels que l’amour, le clitoris et la sexualité, abordant ainsi leur cheminement intellectuel et émotionnel.
Découvrez leurs parcours lors de la réalisation de ces médiations dans le podcast « Oser les émotions » :
Durant cet atelier, il a été question du clitoris dont la découverte date en réalité de très longtemps.
En effet, Stéphanie et Élodie nous expliquent dans leur exposé que sa découverte date de 1559 par un dénommé Mateao Colombo, un professeur italien qui écrit : « Le clitoris est par excellence le siège du plaisir de la femme. ». Puis elles montrent que si la parole a un temps été libre autour de cet organe, elle a ensuite été de nouveau cadenassée et marquée du sceau du tabou. Ce n’est que ces dernières années que la parole se délie à nouveau.
Quand nos deux médiatrices demandent aux participant⋅e⋅s adultes de dessiner un clitoris :
Pour parler d’anatomie des organes génitaux et masculins, elles ont utilisé des modèles anatomiques.
Pour sortir des schémas lisses souvent utilisés en éducation, elles se sont également procuré des moulages réalisés sur de vraies personnes conçus par Magaly Pirotte au Québec au sein de SEX-ED+. Ces moulages permettent de montrer la diversité des vulves et des pénis.
Autres ressources conseillées par Élodie et Stéphanie :
Exemple de planches sur commande créée par Lisa Villaret (sex education). Contact : villaretlisa [ @ ] gmail.com
Comment parler de sexualité dans un centre culturel et scientifique ?⚓
Astrid Aron, co-commissaire de l’exposition « De l’amour » (2020) et Maud Gouy, co-commissaire des expositions « Zizi sexuel » (2007 et 2014) et « De l’amour » (2020)
Astrid Aron et Maud Gouy ont présenté les méthodologies mises en œuvre pour concevoir les expositions « Zizi sexuel » (2007 et 2014) et « De l’amour » (2020).
Que peut-on mettre en place pour permettre au public de tout âge d’être à l’aise avec les thématiques abordées et de ne pas le heurter sur un tel sujet ?
Une réflexion autour de l’intime, du collectif et du politique. Des retours d’expériences sur cette démarche ont été présentés.
Avec l’exposition « Zizi sexuel » présentée à la cité des sciences et de l’industrie en 2007, c’est la première fois qu’une exposition explique la sexualité aux enfants de 9 à 14 ans, à travers l’univers de Titeuf et son « guide du zizi sexuel ».
Les objectifs étaient de montrer que la science n’a pas d’états d’âme et que la sexualité est un sujet porteur, qui intéresse chacun, chacune. Il s’agissait aussi de se différencier des programmes scolaires, de faciliter la discussion et l’échange et de promouvoir une vision égalitaire entre les sexes.
Pourquoi ?
Parce que les jeunes se posent des questions sur l’amour et la sexualité, et cherchent des réponses dans les médias, à l’école, auprès de leurs parents sans parfois vraiment trouver de réponses justes et adaptées.
Parce qu’il est nécessaire de rappeler des règles et des valeurs : liberté, égalité, respect
Parce que un jeune informé est plus à même d’avoir une relation construite, et de savoir se défendre des éventuels dangers
Les objectifs de l’exposition :
redorer la sexualité, donner une image positive et joyeuse de l’amour et du sentiment amoureux
apporter des réponses précises aux questions des 9 – 14 ans
combattre les idées stéréotypées, les préjugés et les images fausses
défendre des valeurs
Comment ?
À chacun sa place
Mise à distance des parents pendant la visite pour respecter la pudeur de chacun
Une muséographie amusante
Des éléments surdimensionnés
Des éléments qui impliquent les plus jeunes…
… Comme les plus âgés.
Des dessins précis…
… Et jamais de vraies images
Un parcours jamais imposé
Des textes adaptés
Description de la méthodologie :
Partenariat avec une classe de CM2 (école primaire de Saint Ouen) :
5 séances de travail avec les élèves et leur enseignante
2 séances de travail avec leurs parents
Suivi de cours d’éducation à la sexualité avec des classes de 4e et 3e.
Rencontre avec les familles et évaluation des prototypes
Questions d’enfants de CM2 :
D’où je viens ?
Est-ce qu’on peut se casser le zizi en faisant l’amour très vite ?
Comment on drague une fille mais sans rigolade ?
Comment on fait pour être amoureux ?
Comment prévoir avant d’avoir la puberté ?
Qu’est-ce qui se passe si la maman divorce et laisse le bébé au papa ?
Comment il sait, le papa, que c’est son bébé si la maman fait l’amour avec deux hommes ?
Questions d’enfants de 3e :
Un spermatozoïde, ça meurt ?
Si on éjacule sur une chaise et qu’une fille s’assoit, c’est possible qu’elle tombe enceinte ?
Les garçons y a le sperme, et pour les filles y a quoi ? C’est au même âge ?
On peut faire 2 éjaculations avec une même capote ?
Dialogue :
— « où est-ce qu’on stocke les préservatifs ? »
— « dans le frigo »
— « ah non pas dans le frigo, si jamais ma mère croit que c’est un bonbon ! »…
Réactions des familles :
Les familles étaient favorables à l’idée d’une exposition sur la sexualité et avaient une relation de confiance avec la Cité des sciences et de l’industrie. Elles ont apprécié le parti pris d’exagération et de diversement de l’exposition.
Évaluation des prototypes :
Les réserves des parents ont été moins fortes à la vision et l’expérimentation des prototypes de manips : « Cela reste dérangeant mais on ne voit pas comment on pourrait faire autrement dans une exposition sur la sexualité ».
Les experts qui ont participé à la conception de l’exposition :
Philippe Brenot, sexologue, psychiatre et anthropologue
Jean-Yves Cariou, professeur de SVT et didacticien
Paul Durning, DG du GIPEM (Enfance Maltraitée)
Maurice Godelier, anthropologue
Didier Lauru, psychiatre et psychanalyste
Felicia Narboni, Éducation nationale
Sylvie Octobre, Ministère de la culture
Emmanuelle Piet, médecin départemental, coordinatrice des PMI de l’Ile de France
Jeanne-Marie Urcun, médecin
L’exposition « De l’amour » a été présentée du 8 octobre 2019 au 30 septembre 2020 au Palais de la découverte. Le public ciblé était un public familial et plus particulièrement les jeunes à partir de 15 ans. Cette exposition propose aux visiteurs une exploration des territoires amoureux, en mouvement constant et traversés par de nouvelles technologies.
L’exposition « De l’amour » se vit comme une expérience, avec des jeux participatifs, des contenus multimédias et des installations spectaculaires.
Les réseaux sociaux, meilleurs amis ou meilleurs ennemis de l’éducation sexuelle ?⚓
Elvire Duvelle-Charles, journaliste, réalisatrice et activiste féministe, autrice du compte Instagram « Clit Révolution »
Les réseaux sociaux représentent aujourd’hui une source privilégiée d’information sur la sexualité pour des milliers d’adolescent·e·s et de jeunes adultes, entraînant un bouleversement des modes traditionnels d’éducation à la sexualité.
Elvire Duvelle-Charles a parlé de son expérience et a montré comment cette éducation entre pair·e·s via les réseaux sociaux a permis de libérer la parole des jeunes, permettant d’aborder sans tabous des thèmes souvent ignorés des séances d’éducation sexuelle. Mais ces modes d’information et d’échange ont leurs limites dont il a été également question dans cet atelier.
Elvire Duvelle-Charles est la créatrice du compte Instagram @clitrevolution, un espace féministe où parler de sexe sans tabou, avec ses joies, ses peines et ses craintes sur le sujet. C’est aussi un lieu où s’informer sur la sexualité. Un compte Instagram très suivi donc mais également une série documentaire du même nom réalisée avec Sarah Constantin et un ouvrage écrit avec la même comparse, Clit révolution : Manuel d’activisme féministe.
Dans cet atelier, Elvire a pu montrer comment les réseaux sociaux créent des espaces où l’on peut écouter et être écouté. La parole se libère et des conseils sont dispensés.
Les réseaux sociaux, meilleurs amis ?
Les réseaux sociaux, meilleurs ennemis ?
Autres comptes instagram conseillés par Elvire :
@leculnu
@brioado
@stopfisha
@enavanttoutes
@consentis
@sexusoucis
Avec le Bioscope, le laboratoire public de l’Université de Genève dans le domaine des sciences de la vie et biomédicales, Elvire a conçu les textes de la brochure « Mon sexe & moi » illustrée par Zep (le papa de Titeuf) et Hilde Atalanta.
Mon sexe & moi est une brochure illustrée d’environ 70 pages qui aborde l’anatomie génitale dans sa diversité ainsi que les bases physiologiques de la fonction sexuelle et non-reproductive.
Parler d’anatomie, ce n’est pas toujours un sujet facile. On a parfois du mal à trouver des personnes à qui poser des questions ou même à trouver le courage de les poser. Pourtant, connaître son corps et son fonctionnement est essentiel.
La brochure Mon sexe & moi est illustrée par Zep (le papa de Titeuf) et Hilde Atalanta. Les textes sont conçus par Elvire Duvelle-Charles (notamment co-autrice du Manuel d’activisme féministe de Clit Révolution) et le Bioscope, le laboratoire public de l’Université de Genève dans le domaine des sciences de la vie et biomédicales.
Accéder à la brochure : https://www.unige.ch/ssi/ressources/ressources-pedagogiques-ssi/brochures/sexoado/
Réalisée dans le cadre du projet Sciences, sexes, identités, cette brochure vise la promotion de la santé sexuelle, l’égalité des genres et la prévention des violences, selon une approche scientifique interdisciplinaire.
Concrètement, on y trouve :
des dessins de vulves et de pénis pour bien comprendre qu’en terme d’anatomie génitale, il n’y a pas de « norme » ;
des réponses sur les questions que vous pouvez vous poser en rapport avec le genre, avec notamment des explications sur la différence ;
des infos sur l’intersexualité ;
les possibilités ouvertes aux personnes transgenres qui ressentent un inconfort vis-à-vis de certaines parties de leur corps ;
des réponses en lien avec le désir, l’attraction et le plaisir ;
des infos sur les érections, l’orgasme, l’excitation, le consentement ;
etc.
En bref, une mine d’informations utiles amenées sur un ton léger et joliment illustrées : un incontournable qu’on vous recommande de feuilleter.