Des représentations anatomiques des organes génitaux souvent incomplètes ou erronées
Les représentations anatomiques des organes génitaux que l'on trouve dans les manuels scolaires de SVT, en maquette chez les fournisseurs de matériel pédagogique scientifique (exemples chez Pierron et Jeulin) ou encore dans les vidéos pédagogiques sont pour la plupart erronées ou incomplètes.
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À 8 s : « Ces organes sont externes ou internes : pénis, testicules, prostate et vésicule séminale chez les garçons; vagin, utérus et ovaires chez les filles. ». À aucun moment il n'est fait mention du clitoris.
D'après une étude de Marie Kirschen, Journaliste chez BuzzFeed News en septembre 2016, sur huit manuels de SVT consultés par BuzzFeed News (deux ouvrages de 4e et six de 1ère), deux ne mentionnent jamais le clitoris. Aucun ne représente le clitoris de manière correcte. Certains ne font même pas mention de la vulve, encore moins des petites et grandes lèvres.
Dans les manuels de Bordas, Hachette, Nathan et le Livre Scolaire, on peut voir un schéma avec la vulve et le clitoris. Mais la représentation de ce dernier est erronée : seul son gland est représenté. Un seul manuel scolaire (celui des éditions Magnard) a pris en compte l'anatomie complète du clitoris dans son schéma d'appareil sexuel.

Dans les différents schémas ou vidéos explicatives, les organes génitaux externes ou internes présentés sont le plus souvent :
le pénis, les testicules, la prostate, et la vésicule séminale chez l'homme ;
le vagin, l'utérus, les trompes et les ovaires chez la femme.
Dans ces représentations, le pénis n'a pas de pendant dans l'appareil génital des femmes sinon le vagin et peu de ces représentations mentionnent le clitoris.
Cette idée reçue selon laquelle les organes génitaux masculins et féminins seraient fondamentalement différents et complémentaires alimente, selon Odile Fillod, l'idée d'une asymétrie naturelle dans le désir et le plaisir. Cela a pour conséquence de :
créer une inégalité d'accès au plaisir sexuel puisque l'organe source de l'orgasme féminin n'est pas décrit.
amener à imaginer toutes sortes de choses, comme par exemple que l'orgasme féminin, serait plus « cérébral » par nature que l'orgasme masculin.
soumettre les hommes à une injonction de la performance fixée sur leur pénis.
être un ingrédient de base du rejet des pratiques homosexuelles qui sont alors vues comme contre-nature. En effet, cette idée reçue génère une vision de la sexualité qui ne se pratiquerait « naturellement » qu'entre personnes dotées d'organes complémentaires.

« Il y a un tabou concernant la sexualité féminine dans notre société, qui se retrouve complètement dans nos enseignements. Le clitoris, uniquement dédié au plaisir, est peut-être l'organe le plus représentatif de ce tabou. »
Pour Odile Fillod, « ce qui pose problème de manière générale est toute information concernant la dissociation entre reproduction et désir/plaisir sexuel, en ce qui concerne par exemple les rapports sexuels entre individus de même sexe, mais aussi, plus largement, toute activité sexuelle non reproductive (masturbation, sexe oral...) ».
Source : Mieux enseigner les aspects biologiques de la sexualité pour faire progresser l’égalité, Odile FILLOD[*]
Or l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit la santé sexuelle comme « Un état de bien‑être, physique, émotionnel, mental et social lié à la sexualité », avec trois grands axes : plaisir, affection, procréation.
L'éducation à la sexualité, se situe à l'intersection de trois champs : biologique, psycho-affectif et social (Circulaire n° 2018-111 du 12-9-2018 du MEN).
Ainsi, il conviendrait plutôt d'enseigner aux élèves que, quel que soit leur sexe :
tous les êtres humains sont dotés d'un organe, le pénis chez l'homme ou le clitoris chez la femme, qui entre en érection lorsqu'ils sont excités sexuellement,
que ces deux organes ont la même origine embryologique chez l'homme et chez la femme,
qu'ils contiennent les mêmes types de tissus et d'innervation sensorielles très particuliers,
qu'ils ont le même rôle dans le déclenchement de l'orgasme.
Montrer l'anatomie du clitoris permet aussi d'expliquer que l'excision correspond le plus souvent à couper le gland du clitoris comme si on coupait le gland du pénis.
Accès direct à la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=8vQyQzH1JzU
Voici les planches anatomiques des organes génitaux femme/homme développées par le Bioscope, les Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), le Département de l'instruction publique (DIP) Suisse et Odile Fillod.
Schémas des appareils génitaux de la femme et de l'homme vue en 3D (Bioscope, Unige) :
Télécharger les planches anatomiques 3D en version PDF.
Télécharger les planches anatomiques vue de face en version PDF.
Ces planches anatomiques sont différentes car elles…
intègrent de façon égalitaire les organes analogues des systèmes reproducteurs masculins et féminins
sont basées sur les connaissances scientifiques les plus récentes sur les organes génitaux
intègrent des aspects d'anatomie et physiologie liés à la fonction sexuelle et non seulement à la fonction reproductive
intègrent les notions d'enseignement inclusif
Les membres du projet Sciences, sexes, identités de l'université de Genève se sont alliés avec ZEP pour l'écriture de la deuxième édition du célèbre « Guide du zizi sexuel », sorti en octobre 2020.
« Sous la direction de l’éditrice, nous avons ainsi contribué à adapter les textes afin qu’ils soient scientifiquement corrects, plus égalitaires que ceux parus dans la première édition il y a vingt ans et, de manière générale, plus sex-positifs, c’est-à-dire inclusifs de la diversité sexuelle et de genre, abordant le plaisir sans honte ni tabou, centré sur la culture du consentement, intégrant les droits sexuels, etc. Nous avons également validé les nouvelles illustrations des organes génitaux. En particulier, la représentation du clitoris. »
Le site SVT-égalité, tenu par des enseignants et une éditrice, propose également des ressources représentant correctement le clitoris. Libre ensuite aux enseignants de les utiliser. Ou pas. La portée de ces initiatives reste, forcément, limitée et dépend uniquement de la volonté de chaque enseignant.

Mélanie Fenaert, enseignante de SVT & SNT, formatrice et autrice, a réalisé une animation au format .gif à partir des illustrations, permettant de comparer les organes mâles/femelles. Cette animation est librement téléchargeable à cette adresse.
Ces séries de schémas montre une représentation correcte des organes génitaux. Par ailleurs, le dernier schéma a le grand avantage de présenter des vues « au repos » et en érection du pénis et du clitoris. Cela permet de bien insister sur l'homologie de ces deux organes érectiles, qui ont une origine embryologique commune, et sur le fonctionnement du clitoris.
Il est fondamental de ne pas présenter ces schémas comme des normes, d'une part parce qu'il ne s'agit pas de la représentation de la réalité des sexes humains : les individus présentent de grandes variations anatomiques. C'est d'ailleurs au nom de la norme que certains clitoris jugés trop grands sont excisés chez certain⋅e·s enfants intersexes. D'autre part parce qu'il est important de garder à l'esprit que les organes génitaux ne déterminent pas l'identité d'un individu. Des hommes trans ont donc des clitoris, des femmes trans n'en ont pas et peuvent être dotées d'un pénis… ce n'en sont pas moins des hommes et des femmes.
Présenter les bons schémas en classe, avec un clitoris bien représenté est particulièrement important :
pour éviter des cours androcentrés, ne parlant dans le détail que des organes dits masculins.
parce que les cours de svt doivent s'inscrire dans une éducation à la sexualité, et qu'on ne peut participer à la construction d'une sexualité épanouie chez les élèves sans évoquer la notion de plaisir, et donc du clitoris, le seul organe humain uniquement dédié à cela.
parce qu'on lutte ainsi contre les stéréotypes de genre : donner des informations anatomiques justes permet de rompre avec l'image d'une sexualité dite féminine qui serait « complexe », « mystérieuse », « cérébrale »...
parce qu'à n'évoquer que le plaisir lié au pénis et en ne parlant pas de celui lié au clitoris, on sacralise le plaisir masculin – qui serait le seul digne d’intérêt, important voire indispensable – et on participe pleinement à entretenir la culture du viol.